
Face à cette crise environnementale croissante, un entrepreneur indien a décidé de prendre les choses en main. D.C. Shekar, ancien capitaine de la marine marchande, s'est inspiré de la dépollution des rivières européennes pour concevoir une solution pouvant être appliquée dans son pays. Ainsi est née AlphaMERS, une entreprise dédiée au développement de barrières flottantes qui se sont avérées efficaces pour collecter des tonnes de déchets dans les rivières de l'Inde.
À ce jour, plus de 30 barrières flottantes ont été déployées dans des rivières proches d'une dizaine de localités, réussissant à piéger des déchets allant des plastiques aux meubles en passant par des animaux morts. En une seule année, ces barrières ont réussi à retirer 22.000 tonnes de déchets de la rivière dans la ville du sud Chennai. Ces structures innovantes représentent une avancée cruciale dans l'effort pour stopper le flux de déchets qui, autrement, finirait dans l'océan, aggravant la pollution marine.

Le design simple, mais efficace de ces barrières a permis qu'elles deviennent un outil vital pour stopper les déchets avant qu'ils n'atteignent la mer. Actuellement, ces structures fonctionnent dans diverses régions du pays, et leur efficacité a été telle qu'elles ont obtenu reconnaissance dans toute l'Inde pour leur contribution à la dépollution des rivières.
Le design des barrières flottantes est ingénieusement simple. Il consiste en une maille en aluminium immergée à environ 40 centimètres dans la rivière, avec des orifices de 10 centimètres de diamètre permettant de capturer les déchets flottants. Ce qui rend cette technologie unique, c'est sa disposition dans l'eau : les barrières sont placées dans un angle diagonal par rapport à la rivière, ce qui réduit la force du courant, évitant que la maille ne soit endommagée ou ne se retourne. Cet angle permet au courant de transporter les déchets vers la rive, où ils peuvent être facilement collectés.
Un autre aspect clé de ce système est la logistique. Shekar a expliqué que les barrières sont toujours installées à des points stratégiques, où l'extrémité finale est proche d'une route, facilitant l'accès des camions pour la collecte des déchets. Avec une longueur moyenne de 70 à 80 mètres, les barrières ont un coût estimé à 30.000 dollars, bien que la maille la plus grande installée atteigne 160 mètres.

La mise en œuvre de l'intelligence artificielle
Récemment, l'entreprise de D.C. Shekar a franchi une étape supplémentaire dans sa lutte contre la pollution des rivières en signant un accord avec l'agence spatiale de l'Inde, ISRO. Ce partenariat vise à entraîner un algorithme d'intelligence artificielle (IA) qui, en utilisant des images satellites, sera capable d'identifier les points chauds d'accumulation de plastiques dans les rivières du pays. Ainsi, la technologie permettra d'identifier avec précision les endroits les plus appropriés pour installer les barrières, optimisant leur efficacité.
Actuellement, les barrières sont majoritairement situées dans le sud de l'Inde, dans les états de Tamil Nadu, Karnataka et Telangana, bien qu'elles aient également été déployées dans d'autres localités du nord et dans l'état occidental de Goa. Avec l'aide de l'IA et des satellites, il est prévu d'améliorer la capacité de surveillance des barrières, car le système pourra faire la différence entre les déchets plastiques et d'autres types de déchets. Cela permettra, à l'avenir, d'identifier les principales sources de pollution et d'agir plus précisément pour freiner le flux de déchets vers la mer.
Malgré les avancées technologiques et les initiatives comme les barrières flottantes et l'utilisation de l'intelligence artificielle, la pollution des rivières en Inde reste un défi colossal. En effet, des études récentes indiquent que les rivières de l'Inde sont les deuxièmes plus grands contributeurs à la pollution marine au niveau mondial, déversant 126.513 millions de tonnes de déchets par an.
L'impact de cette crise a atteint les tribunaux du pays. En août 2024, la Cour suprême de l'Inde a exprimé son inquiétude face à la dégradation environnementale causée par les décharges de plastique dans les rivières, exigeant des mesures plus strictes pour lutter contre ce problème. Malgré les difficultés, le travail pionnier d'AlphaMERS et l'utilisation de technologies avancées montrent qu'il est possible d'atténuer les dommages environnementaux, pourvu qu'ils soient combinés avec des politiques plus fermes et une plus grande sensibilisation de la société.